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Photo du rédacteurCécile-Purusha Hontoy

L'homme moderne ne sait plus mourir


 

L’homme moderne ne sait plus mourir. L’homme moderne ne sait plus accueillir la mort.  Pour notre  modernité  axée  sur l’avoir, la mort d’une personne est devenue une catastrophe dont la vie de tous les autres ne peut tenir compte.  Le déni de la mort entraîne le déni face aux changements absolument nécessaires à l’acquisition de la maturité humaine.


Ainsi, on déguise ce qui vieillit. On ne cesse de vouloir rajeunir ce qui est périssable. On  cherche à ignorer ou sinon, peut-être,  à braver la mort. Mais même si la médecine fait parfois des miracles, la mort reste présente et il nous faut l’avouer sarcastiquement : elle gagne!  Nous mourons tous !



L’homme moderne ne sait pas changer.  Il fait semblant.  Dans ces déménagements,  il n’oublie jamais son étroitesse d’esprit, son égocentrique vision des choses, ces aprioris.  Même s’il  a la chance de voyager comme jamais, même s’il détient le pouvoir de se déplacer plus vite que le vent grâce aux performances faramineuses de ses machines  électroniques,  l’homme, entendons l’humain, reste  toujours identique à lui-même: féroce combattant de son territoire étroit qu’il valorise en droitures mercantiles, de plus en plus, il faut le dire, fermé sur lui-même devant son écran avec son grand ou petit bien être personnel très à cœur!


En fait,  il ne fait jamais de voyage amoureux ou autre sans garantie de retour! Tout est perçu comme investissement dont on attend la rentabilité pour soi d’abord !  Mais la mort, elle, ne donne aucune garantie, sinon celle  de la justice  puisqu’elle s’adresse à tous, grands ou petits de ce monde.  Cette grande dame noire propose simplement un rapport de sens à la finalité de la vie  et sourit sarcastiquement en regardant  l’ensemble de nos avoirs !


Dans notre siècle cruel pour la simplicité humaniste, au centre des opportuns et très sérieux discours éthiques et de toutes sortes,  la mort, fatale issue incontournable de la vie humaine,  se retrouve absolument déniée.  On ne porte plus le deuil ou si peu. Si on pleure plus de trois mois un disparu, les amis et la famille cherchent à nous signifier leurs profonds désaccords!  Ensevelis sous la pile de nos activités diverses, la plupart très inutiles, on n’a d’ailleurs même plus le temps  de  pleurer.   Et puis, les larmes sont perçues comme un échec, une cruauté pas pour soi même mais pour les autres, dérangés par notre peine, remis en cause dans leur sensibilité.  Ainsi la mort se trouve à être totalement escamotée !    


L’escamotage de la mort, du deuil, des préparatifs au mourir et des larmes nous fait nous interroger sur un autre deuil terrible, celui de l’ordre sacré du monde!

Il n’y a pas si longtemps le deuil était élaboré à partir de rituels religieux. Aujourd’hui, on n’en veut plus, on juge fort rapidement de sectes ou de fous tous ceux qui en useraient, on rejette d’aplomb ce nécessaire outil sacré de régularisation des deuils, départs et changements proposés par les saisons de la vie. La conclusion est  terrible : l’homme se retrouve seul face à la mort, seul face à sa mort !


Jadis la communauté l’entourait, le guidait, le secourait.  Mais la mort actuelle donne à s’interroger sur nos limites et nous n’aimons pas trop nous questionner car cela nous fera tôt ou tard nous apercevoir de nos choix de vie non essentiels !  Nous avons perdu le fil d’Ariane de l’esprit sain en l’homme ! Et dans les dédales du labyrinthe, désormais, nous ignorons même notre perdition puisque les miroirs du narcissisme nous entourent tout entiers.


Et puis, dans cette histoire cauchemardesque de la perte de sens sacré à la vie, les esprits de nos défunts, eux-mêmes, sont désormais contraints au silence !  Pourtant, depuis toujours ils enseignaient aux peuples des vivants, le monde de l’au-delà.  La voix des voyants, des médiums, des chamanes, des guérisseurs, des prophètes inspirés est désormais close.  Personne n’ose plus se montrer comme  tel au risque d’un rejet sérieux de tous les autres !


Alors qu’on se rende compte : tout un monde est en train de disparaître! Un monde fabuleux  servant à ses auditeurs la richesse de son imaginaire, la force de sa foi, l’espoir de ses retrouvailles avec les morts, ceux là qui furent nos parents, nos amis, nos êtres chers, nos anciens.


La déchirure est plus immense que nous supposons, plus douloureuses aussi. Alors que les églises consolaient jadis l’endeuillé, celui-là se retrouve seul désormais, isolé des autres par sa peine, non en communion mais plutôt en expectation d’un projet de vie aussi misérable que celui ou celle qu’il vient de perdre! Allons nous étonner ensuite des dépressions, des pertes de sens, des suicides ?

Dans les médias, la mort se déguise aussi. Soit on la veut bonasse et niaise soit effrayante, terrorisante.  À quand un discours juste sur la mort, cette grande dame  maîtresse de Socrate et de l’école de la Philosophie ?


Mais prenons le temps s’il le faut ! Arrêtons quelques instants.  Revisitons notre dernière dramatique mortuaire. Ne cherchons plus à oublier mais davantage à inscrire dans notre mémoire.  Demandons nous qui nous sommes vraiment devant les portes de l’au-delà  entrouvertes sur notre vie et notre histoire personnelle.

Alors beaucoup de sentiments refoulés réapparaîtront !  Nous nous rendrons compte de cette richesse cachée au centre du désert de nos jours! Nous l’explorerons enfin. Nous redeviendrons de bons êtres humains.

 

Et le ciel, peut-être, voudra bien de nouveau correspondre avec nous?

Ccile-Purusha Hontoy, anthropologue

Swami Purushananda

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