Alors que Bouddha enseignait sur l'Éveil à un de ces élèves, une embarcation fort simple vint à passer devant eux, sur le fleuve.
Tout était tranquille.
Bouddha arrêta son discours pour se concentrer sur cette simplicité. Il fit silence.
Il entendit tout d'abord une musique sublime.
Puis, exerçant sa vision perçante, il aperçut deux hommes dans la frêle embarcation qui suivait le courant. Un tenait un instrument dont il jouait. L'autre rythmait la musique jouée avec un seul de ses doigts.
Le tableau était pure transparence aux oreilles, aux yeux et pour le coeur.
Bouddha, qui aimait démontrer les lois métaphysiques au centre de la Nature même chuchota à son disciple:
- L'Éveil se produit quand tout est accordé avec l'universelle Présence et la Beauté du Monde !
Alors Joie et extase, alors plénitude et ouverture, alors entendement et entière compréhension de l'être unique de conscience et de sa juste place dans le Monde. Voilà l'Éveil.
L'Éveil est un mot à la fois magique et terrible !
Magique parce que l'Éveil représente une quête de sagesse. Quand l'éclair de l'éveil perce, tel un soleil, le nuage gris des pensées duelles, alors c'est un monde de beauté qui se découvre soudain à nous. Un monde dans lequel l'éveillé ne voit plus les différences du plus ou du moins ni du haut et du bas. Un monde merveilleux, désiré par la Présence de l'Amour et son immense désir pour sa fiancée: La terre et sa promesse d'une humanité de conscience et de bonté inégalées.
Terrible parce que l'Éveil est, dans ses premiers fruits, un simple état d'être. Comme la plupart des états d'être, il est bien souvent trompeur. Aussi vrai qu'une éclaircie ne proclame jamais la fin de l'orage, l'éveil ne dit pas que la quête est finie. Par ailleurs, pour cette forme de sagesse, rien ne se termine jamais. En état d'éveil, l'homme conscient mesure soudain toute sa responsabilité humaine.
S'il l'est vraiment, c'est pour un temps seulement. Pour le rester, il lui faudra oser mourir au vieil homme et renaître au jeune homme. Cela ne se fait pas sans traverser toutes les peurs accumulées et ici, même les plus insignifiantes peuvent devenir fortement souffrantes.
Pour que tout soit accordé, il faudra à l'initié de l'Éveil, replonger dans la vie ordinaire. Comme le jardinier retourne à son jardin et travaille avec patience à l'amélioration de sa récolte, comme le porteur d'eau repart vers le puits et porte de nouveau sur son épaule fatiguée les seaux lourds pour donner à boire aux enfants.
Alors, dans sa tâche humaine de service au quotidien, s'il peut rester humble et ne rechercher que le don de lui-même, alors, l'Éveil pourrait s'installer en sa demeure comme une épouse retissant sans cesse les cordes d'argent le maintenant dans l'état de Présence nécessaire.
Sur la rivière, une simple barque, un maître luthier et son élève jouant la musique des accords parfaits !
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